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CONVERSATIONS POéTIQUES

Encore en train, j’ai scanné un pass, je me demande combien de faux pass se font scanner encore pour parcourir ce monde catapulté dans les accès, les masques et les vaccins. Je valide ma présence au monde. Ma légalité au voyage, au déplacement. Je suis assise dans ce que l’organisation du monde à prévu pour me déplacer et je respecte la discipline à effectuer dans l’organisation de l’espace prévu pour recevoir mon corps. Je pourrais tout aussi bien me rendre à pied à Angers. Peut-être à un autre moment le devrais-je ? Est-ce pour ça que les arbres et les oiseaux m’émeuvent tant ? La compagnie céleste et celle bien terrestre du vivant. Je ne sais pas trop, quel encrage me pousse à me délester autant. C’est métaphoriquement que je parle. C’est sûrement parce que de plus en plus je quitte ce monde. 

J’explique ces manœuvres sociétale pour mettre en exergue ce qu’il me tarde à mon tour d’appliquer. La repossession de mon espace, de mon organisation à être vivante. 

Je fais ces quelques kilomètres pour rejoindre la poète et performeuse Florentine Rey avec qui nous avons des conversations poétiques.

Peut-être Florentine est elle plus libre que moi, sans attache, dans son camion, de résidence en résidence, elle arpente le monde détachée d’une emprise territoriale depuis longtemps. Elle incarne cette sorte de poète nomade que j’ai longtemps admirée dans mes lectures, de Bouvier à Cendrars. Etonnement en ce moment je lis Mona Chollet « Chez soi » écrit quatre ans avant le confinement son livre est un hymne à la demeure, aux objets qui nous relient, aux foyers. Face à cette époque particulièrement hostile aux mouvements où voyager est une forme d’acte de résistance puisque pour espérer combattre le virus il est conseillé ou ordonné de se blottir chez soi. J’ai toujours aimé, lire, écrire, révasser en écoutant un vinyle. Je ne suis pas la vagabonde idéale dont j’envie le charisme chez beaucoup de mes ami.e.s. Arpenter le monde maintenant que je suis condamnée à l’exil me porte étrangement en témoin d’un monde caché. Rejoindre Florentine pour rêver statiquement sur nos chaises devant le panorama que nous aurons déterminé me paraît le meilleur remède pour analyser l’état actuel de ce que l’on cherche à préserver. Regarder autrement, avec les lunettes permissives de l’imagination cet autre espace qui sommeil en nous. 

A la rencontre de Florentine grâce au C.C.P. de Saint-Nazaire où elle était invitée en résidence, j’ai constaté de nombreux points communs créatifs. Elle avait dans l’idée d’inviter les travailleurs des chantiers de l’atlantique a effectuer hors contexte les mouvements liés à leurs emplois, exercice qu’elle avait déjà apprivoisé avec des pilotes d’avions. Cette idée déjà ne m’était pas tout à fait étrangère puisqu’avec la chorégraphe Vanessa Leprince j’avais abordé l’écriture chorégraphique et l’idée de reprendre des mouvements anodins et de les interprétés sur le plateau. Pour Florentine aller à la rencontre de salariés en plein covid c’est avéré plus difficile que prévu. Ce qui nous a permis de faire plus ample connaissance je lui ai parlé entre autre de ma passion singulière pour les chaises et de La distance est une frontière d’environ un mètre, une pièce de théâtre que j’ai écrite au moins un an avant le virus et ses protocoles. J’y parlais des frontières concrètes entre vous et moi, de la langue, des codes, des gestes qui nous construisent, nous séparent et nous rassemble, des frontières géographiques, cartographiées par l’univers et par l’homme. La frontière la plus abstraite était ce qu’au théâtre on appelle le quatrième mur et qui symbolise la distance entre le spectacle et le spectateur. Ces frontières existaient déjà avant, elles existent toujours, belle et bien renforcées par la peur et les protocoles. Je n’ai pas d’explication particulière à apporté à cette pièce sinon qu’elle symbolise parfaitement ce qu’est devenu le covid aujourd’hui. Florentine elle m’a expliqué sa pratique des rêves éveillés. Outre notre amour commun de la poésie, nos univers compatibles ont fait le reste du chemin. La rencontre à travers les conversations poétiques que l’on s’est misent à pratiquer librement sur les chantiers puis plus tard par téléphone pendant sa résidence à Valence en Espagne a finit de sceller notre pacte de partenaire de rêve. Je ne sais pas comment témoigner de ce qui loge de fantastique dans nos conversations. Ce qui me donne place ou me légitimise. J’habite un rêve, je me détache du poids des pratiques attachées aux communs des mortels. Je bois encore, mange et dors mais je crois que peut-être…je cherche à devenir un arbre, encore et toujours. 

« Chez soi » Florentine dit que c’est dedans, à l’intérieur, sous la peau. Elle me reprend ou disons elle précise, « ce n’est pas ma voiture ». C’est vrai qu’elle s’instale dans des lieux régulièrement. De résidence en résidence. Ici à Segré-en-Anjou bleu on a pataugé dans les herbes hautes, les pierres, la terre, le bois. Demain on sera au Leclerc et à La piscine à faire des conversations. Dans nos rêves, nos conversations, nos paysages sonores, on puise une force, une évidence, une nécessitée à vivre. Dès que le regard, regarde, il regarde vraiment, il se créer une connexion bien différente aux embouteillages normés par la société, l’éducation ou les protocoles. Plusieurs personnes peuvent rêver en même temps, ensemble, sans déroger à la règle consciencieusement installée. 

Il y a quelques étapes : 

S’asseoir devant un décor ou un paysage déterminé à environ un mètre de distance,

fermer les yeux, 

ouvrir les yeux, 

regarder

choisir une porte d’entrée dans la conversation, 

accepter ce que propose l’autre, 

choisir une porte de sortie pour terminer la conversation. 

 

Je ne sais plus où regarder avec naturel aujourd’hui, où poser mes yeux pour constater le monde. L’inventer avec Florentine s’est retrouver la saveur de l’image, le pouvoir d’un monde détaché de l’ordre auquel on le soumet avec une vision unique, un état des lieux poussiéreux. Le monde est bien plus puissant que ça.  Nous réécoutons la puissance du monde, le ressac d’une histoire usée à laquelle il est bon d’offrir une nouvelle lecture. Dans ces lieux, que nous visitons, chacun est libre de se réapproprier l’autre, le réel, le monde. C’est une nouvelle vision du ensemble aussi. L’autre est accepté avec tout ce qu’il est et dans le doute de ce qu’il n’est pas. On ne s’observe pas dans la conversation poétique, on regarde dehors, ce qui est « chez soi ». Les personnes aux idées diamétralement opposées pourrons se retrouver et construire en symbiose une rencontre sans a priori. Un nouveau caractère de relation s’expose en texture, le relationnel et le mélange des codes fusionnent. Respecter l’idée pour rebondir dessus par le corps ou par les mots. L’encrage au sol, à la chaise recoupe les partages que nous offre notre présence à l’époque, à l’ici, au maintenant sans subir l’ordinaire du commun et du devoir. Ces conversations sont sur You Tube elles sortirons chaque dimanche de l'année 2022.

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